PIETRO SARTO – Biographie
Etablie par Françoise Simecek
1930 – 1949 : les années de formation
Pietro Schneider naît le 13 juin 1930 à Chiasso (Tessin), ville frontière entre la Suisse et l’Italie. Il est le benjamin de trois garçons. Son père, d’origine bernoise, est employé des douanes ; sa mère est femme au foyer. Née Fontana, elle est issue d’une vieille famille tessinoise qui donna à Rome aux XVIe et XVIIe siècles trois prestigieux architectes. Pietro Sarto a souvent revendiqué cet héritage.
Son père étant actif dans le parti radical tessinois, parti résolument antifasciste, il est témoin, très tôt, de discussions politiques. Sur la table familiale je distingue un journal : «Avanguardia» que lisait mon père avec force commentaires. J’ai balbutié mes premières lettres en tentant de déchiffrer ce titre confie-t-il à Alphonse Layaz dans un entretien publié par la Bibliothèque des arts en 2003.
Au début de la seconde guerre mondiale, au gré des mutations de son père, la famille quitte la Suisse italienne pour la Suisse romande et s’installe à Neuchâtel. Il y fait la dure expérience de ce que signifie appartenir à une minorité linguistique. Un professeur d’allemand en se moquant, lui dit qu’avec son patronyme on devrait l’appeler Peter Schneider et comme il affirme que son prénom est bien Pietro, le professeur conclut : alors ça devrait être Pietro Sarto. Il sera à tout jamais rétif à l’apprentissage de la langue allemande et se souviendra plus tard de ce quolibet.
À l’âge de 12 ans, il s’initie à la peinture sur porcelaine. Il en maîtrise rapidement les arcanes et dira plus tard qu’elle fut son école de peinture.
La famille Schneider s’installe à Lausanne en 1944.
En 1946, il commence à peindre. Il était entré à l’Ecole de commerce où il avait pour condisciple Jean Lecoultre qui, lui aussi, choisira la peinture et qui restera son ami. Durant ces années, il profitera de l’enseignement de Paul Campiche (son premier client), de Jean-Luc Seylaz et de René Berger à qui, en janvier 1976, dans le catalogue de l’exposition «Curriculum vitæ - Pietro Sarto - Jean Lecoultre», il écrit : 1947, était-ce le hasard ? disons plutôt, pour moi, la chance : je vous rencontrai au Musée de Bâle (la Kunsthalle présentait une exposition Picasso, Braque, Juan Gris). Nous étions deux de vos élèves plantés devant Paul Klee et vous avez eu la générosité, pour répondre à nos questions, non point de nous inculquer des idées sur l’art (vous eussiez pu le faire), mais de parcourir avec nous le musée. Nous vîmes les modernes et les anciens, nous vîmes surtout que l’intérêt de ce vaste domaine vient précisément des interrogations qu’ils suscite et que pour répondre à Klee, il fallait découvrir qu’il avait sa place dans ce vaste ensemble d’activités diverses qu’on appelle l’art et qu’il importait de saisir l’ensemble. Ce fut une bonne journée.
Au cours d’un premier voyage à Paris, en été 1947, il rencontre un groupe d’artistes suisses établis à l’Hôtel de Lisbonne parmi lesquels le lausannois Charles Meystre. Un peintre suisse, son aîné, portant le nom de Schneider (Gérard Schneider), il suit le conseil ironique de son professeur d’allemand et fait sien le choix de sa langue maternelle, il signera dès lors Pietro Sarto.
À Lausanne, il fréquente le Cercle des amis des « Lettres françaises » et une poignée de jeunes gens curieux de surréalisme et de cinéma emmenés par Freddy Buache, membre fondateur de la Cinémathèque suisse.
Il peint le décor pour le Bourgeois gentilhomme de Molière, monté en 1948, avec des élèves de l’Ecole de commerce, par l’un des professeurs, Jacques Adout et présenté au Théâtre municipal de Lausanne. Il est renvoyé de l’Ecole de commerce peu avant d’obtenir son diplôme, puis de l’Ecole des beaux-arts où il ne fait qu’entrer et sortir.
Après avoir été encouragé à continuer de peindre par Rodolphe-Théophile Bosshard, Pietro Sarto rencontre le peintre Marcel Poncet qui l’engage vivement à se libérer de toute école, le fait travailler, lui montre Maurice Denis, lui fait partager ses lectures et rencontrer le graveur Albert-Edgar Yersin (1905 – 1984).
Il fait un court séjour à Paris où, sur le conseil de Yersin il rencontre Albert Flocon (Köpenick, Allemagne 1909 – Paris 1994), ancien élève du Bauhaus, peintre, graveur et théoricien de la perspective, avant de revenir en Suisse pour remplir ses obligations militaires.
1950 – 1959 : l’attraction parisienne
Pietro Sarto s’installe à Paris où il mène la vie des jeunes artistes désargentés, logeant de chambre de bonne en occupation de locaux insalubres et vivant de petits boulots.
Il reprend contact avec Flocon qui, avec Johnny Friedlaender, avait ouvert, accueilli rue Saint-Jacques chez l’imprimeur Leblanc, l’Atelier de l’Ermitage. Ils y enseignaient, l’un le burin, l’autre l’eau-forte, Sarto suit leurs cours, plus particulièrement celui de Flocon et fait son apprentissage d’imprimeur en taille-douce en «volant le métier» dans l’atelier. Il côtoie des membres du groupe Graphie qui vient d’éditer A la gloire de la main (divers textes dont celui de Gaston Bachelard qui donne son titre au livre, accompagné de planches de Boumeester, Chastel, Courtin, Durand, Fautrier, Fiorini, Flocon, Gœtz, Prébandier, Richier, Signovert, Ubac, Vieillard, Villon, Vulliamy et Yersin). Flocon lui fait rencontrer Gaston Bachelard et l’entretient de ses propres travaux sur la perspective curviligne. Sarto fera sienne cette approche, tout en gardant une très grande liberté avec l’énoncé théorique.
Il rencontre Pierre Loeb qui tient la mythique Galerie Pierre et lui montre ses dessins ; Pierre Loeb lui offre alors l’édition en fac-similé des dessins de Seurat qui l’accompagnera toute sa vie.
Durant ces années parisiennes, outre la peinture avec laquelle il fraie quotidiennement au Louvre, il s’abreuve de cinéma en fréquentant assidûment les projections de la Cinémathèque française, créée par Henri Langlois, dont il dit, comme bien d’autres artistes, peintres ou cinéastes, « ce fut mon Université ». Il participe aussi aux séances du Ciné-club des étudiants juifs de France alors présidé par Claude Olievenstein (Berlin 1933 - Paris 2008), futur psychiatre spécialiste des addictions. Il se lie d’amitié avec le peintre Emmanuel Proweller (Pologne 1918 - Paris 1981) qui expose à la Galerie Collette Allendy et avec un jeune homme secret, André Schwarz-Bart (Metz 1928 - Pointe-à-Pitre, Guadeloupe 2006), lequel partage les difficultés de son quotidien, et écrit. Le Dernier des Justes sera couronné du prix Goncourt en 1959.
Son ancien condisciple lausannois Ivan Bettex, devenu photographe, lui fait partager l’espace de l’Association Suisse-URSS pour une exposition en 1952.
En 1954, il illustre d’un dessin le N° 2 de la revue Pays du Lac créée à Lausanne par Jacques Chessex (1934 – 2011).
Sarto conçoit les décors d’une pièce de Robert Desnos La Place de l’Étoile, présentée en 1956 par de jeunes comédiens au Théâtre du Tertre, à Paris. Elle était accompagnée d’une exposition de toiles de Francis Picabia. L’exposition et le spectacle n’auront aucun succès, l’effervescence engendrée par l’entrée des chars soviétiques à Budapest prenant le pas sur toute autre préoccupation.
En 1957, toujours curieux de cinéma, il participe à la réalisation d’un court-métrage en couleurs réalisé par David Perlov (Rio de Janeiro 1930 – Tel-Aviv 2003) Tante chinoise et les autres, film sur documents, musique de Germaine Tailleferre et préface de Jacques Prévert. Ce film, qu’il n’a jamais vu terminé, est déposé à la Cinémathèque de Tel Aviv.
La galerie Potterat à Lausanne organise, en 1958, une exposition de peintures et de dessins pour laquelle il réalise une affiche originale, un nu, qui fut saisie par la censure et détruite.
1959 - 1968 : le retour
Sarto quitte Paris et revient vivre en Suisse.
Même si, durant ces années, il a peu l’occasion de montrer son travail, il ne cesse de peindre tout en consacrant de plus en plus de temps à la gravure, la sienne et celle d’autres artistes.
Il monte la partie taille-douce de l’atelier Les Presses artistiques, à Pully, pour l’éditeur Pierre Cailler où, parallèlement au tirage de livres et d’estampes de divers artistes, il entame son exploration des techniques - tant de la lithographie que de la gravure - abordant tout particulièrement les encres et les problèmes que lui pose l’impression en couleur : il ne se satisfait pas de la décomposition des couleurs amenant à imprimer une estampe en autant de passages sous la presse et cherche donc à en réduire le nombre.
Son engagement politique ne s’étant jamais démenti, il contribue activement à l’activité du Mouvement démocratique des étudiants (MDE) - qui se sent concerné par la situation des jeunes Français face à la guerre d’Algérie, participe au Mouvement antiatomique, lutte pour la libération de la femme, réclame l’instauration d’un salaire étudiant par l’organisation de conférences, l’impression d’affiches et la publication d’un bulletin.
Le peintre Jean Lecoultre et le peintre et décorateur de théâtre Jean Monod l’associent à plusieurs reprises à la réalisation de décors, tant pour le Théâtre du Jorat que pour le Théâtre municipal de Lausanne où il crée son propre décor pour Antigone de Jean Anouilh en 1961, puis le décor pour la Cantate du 1er août que Willy Sutermeister écrit pour l’Exposition nationale de 1964.
Il retrouve Albert Yersin, alors professeur de gravure à l’Ecole cantonale des beaux-arts, qui accompagne un groupe d’élèves dans leur approfondissement du langage de l’estampe et s’interroge sur son propre travail. Ensemble ils tenteront d’apporter une réponse aux difficultés que rencontre Yersin à imprimer ses cuivres.
À l’instigation du graveur Léon Prébandier et d’un élève de l’Ecole des beaux-arts, Alexandre Delay, le groupe L’épreuve se constitue en une association de praticiens au service de l’estampe. Le groupe réunit, outre Sarto - qui dispose de l’outil de travail - deux autres maîtres à l’École des beaux-arts de Lausanne, J.-P. Kaiser et Albert-E. Yersin, et certains de leurs élèves, Marianne Décosterd, Edmond Quinche (déjà engagé avec Sarto, dans l’impression de la lithographie) et Pierre Schopfer. Le groupe L’épreuve sera formellement fondé en 1964. Il sera à l’origine de nombreuses expositions consacrées à l’estampe, tant lithographie que taille-douce.
En 1965, Ernest Genton, alors propriétaire de la Galerie l’Entr’acte à Lausanne, offre à Pietro Sarto une exposition personnelle que ce dernier ressent comme sa première exposition. Il y montre peintures, gravures et lithographies. Un succès inattendu est au rendez-vous.
Il sera présent dans cette galerie jusqu’à sa fermeture en 2001.
Depuis 1968 : le peintre, le graveur et l’atelier
Il quitte les Presses artistiques et ouvre son propre atelier : ce sera l’Atelier de taille-douce et de lithographie à Villette. L’éditeur André Gonin, avec Hans Erni, lui assure sa clientèle. En fait d’atelier, il s’agit plutôt d’un ensemble mal défini de presses et de graveurs, se plaît-il à dire, un outil de travail qui appartient à ceux qui l’utilisent. Les membres du groupe L’épreuve y tirent ou y font tirer leurs estampes. Ils sont rejoints par d’autres artistes tels Jean Lecoultre, Jacqueline Oyex, Francine Simonin, Denise Voïta. Pierre Tal Coat y gravera en 1970, pour Jacques Benador, Almanach, début d’une longue collaboration. L’Atelier rencontre ainsi les papiers de Georges Duchêne qui vient de reprendre un moulin en Angoumois et qui de longues années durant, s’attachera à satisfaire les demandes des graveurs. Michel Duplain, graveur et ancien élève de l’Ecole des beaux-arts de Lausanne rejoint l’Atelier dont il reste, jusqu’à aujourd’hui, un pilier. Ils mettent au point une technique de gravure et de tirage en couleur de la taille-douce qu’ils offrent en primeur aux burins de Yersin.
Jean Lecoultre est invité à produire des estampes dans le cadre du pavillon international de la Biennale de Venise en 1970. L’Atelier l’y accompagne et part pour Venise avec une presse lithographique et son matériel. Rien ne manque sauf l’accès à l’eau, indispensable à la lithographie ! Ils y nouent des liens d’amitié avec Ernesto Tatafiore, Napolitain, artiste et psychiatre tenant de l’anti-psychiatrie.
Dans sa Lettre à René Berger (Curriculum Vitæ, 1975) Sarto, toujours attentif au climat politique, écrit : Le pavillon accueillait au rez-de-chaussée une reconstitution des activités artistiques soviétiques de l’époque révolutionnaire. […] Cela nous valut un été de discours sur l’art et le peuple. Au début cela m’a plu, un vieux réflexe, puis, peu à peu, cela devint onirique : les plans quinquennaux, Maïakovski, la Révolution d’octobre, tout cet appareil de la Biennale de Venise avec ses gardiens somnolents, ses gendarmes aux portillons, ces nations officiellement représentées : tant de frais engagés pour diffuser des idées révolutionnaires ! […] Un jour, une grève des métallos à Mestre, au bout de la lagune. La police a tiré et tué plusieurs ouvriers. Y a-t-il un sens à tout cela ? pour moi certainement.
Sarto acquiert avec l’aide jamais démentie de sa famille, une maison à Saint-Prex. L’Atelier y emménage en mai 1971 et s’appelle désormais Atelier de Saint-Prex.
Une commande de toiles de grand format amène bientôt Sarto à installer son atelier de peintures hors les murs. Dès lors, il se partage entre l’activité de l’Atelier et sa peinture. Il a, à de nombreuses reprises, expliqué que les deux marchaient de conserve, l’une enrichissant l’autre et vice-versa. Il s’enrichit également des échanges avec les nombreux artistes fréquentant l’Atelier.
Albert Chavaz (Genève 1907 – Sion 1990), Albert Flocon et Pierre Tal Coat (Clohar-Carnoët, Finistère, 1905 – Saint-Pierre de Bailleul, Eure, 1985) y font de nombreux séjours qui voient naître non seulement estampes et livres, mais nombre d’aquarelles qu’ils vont quotidiennement peindre sur le motif et commentent ensemble au retour. Ils passent également de nombreuses soirées à dessiner, chacun faisant le portrait des autres. Cette activité donnera naissance à un texte du poète Jean Pache (1933 – 2001) Miroirs ou bien : (auto)portraits paru dans le catalogue de l’exposition « Horizon 80 » Musée cantonal des beaux-arts et repris dans la monographie Perspectives empiriques .
L’année 1972 est marquée par un voyage aux Etats-Unis où, conjointement à une exposition de l’Atelier, Pietro Sarto, Edmond Quinche, Denise Voïta, Jean Lecoultre et Urs sont invités à donner un cours de gravure au Pratt Graphic Center de Manhattan. Pendant ce séjour, Tatyana Grossmann, alors éditeur de Jim Dine, Keneth Noland, Barnett Newmann, entre autres, les invite dans l’atelier qu’elle dirige.
Sarto donne, à l’invitation de Nicola Ragno, professeur à l’Ecole d’architecture de Grenoble, une conférence sur « Les structures de l’image et la perspective curviligne ». L’Atelier de Saint-Prex est convié à faire des tirages au Musée de Lucerne, dans le cadre de l’exposition rétrospective Hans Erni, artiste avec lequel Sarto travaille depuis 1963.
Sarto peint lentement (une vingtaine de toiles par an) et expose régulièrement à Lausanne, Galerie l’Entr’acte, à Avenches, Galerie du Château et à la Galerie Jacques Benador à Genève. Des amateurs fidèles suivent attentivement son travail.
Toujours préoccupé de promouvoir la gravure, l’Atelier organise, en été 1974, l’exposition Gravure à la Maison des artistes au Château de La Sarraz. Là, à travers un choix restreint de planches de maîtres anciens et modernes, il était fait plus que démontrer une technique : il s’agissait de mettre en évidence un langage.
Le choix du Château de La Sarraz n’est pas innocent. La Maison des artistes a été créée en 1922 par Hélène de Mandrot, la dernière châtelaine. Elle abrita, en 1928, le premier Congrès international d’architecture moderne (CIAM) puis, en 1929 le Congrès international du cinéma indépendant (C.I.C.I.) auquel participa Eisenstein.
Une nouvelle exposition suivra, en 1976, la Lithographie. Le principe en est moins rigoureux que pour la taille-douce, l’histoire de la lithographie étant beaucoup plus courte.
Dès 1975, Sarto et ses compagnons engagent les premières tentatives pour retrouver la technique des pères de la photographie, l’héliogravure au grain. À de nombreuses reprises il décrit et défend cette technique comme dans l’ouvrage « Graver la lumière » publié en 2002 par la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex : La photographie est née dans l’atelier du graveur et ne l’a jamais quitté tout à fait.
« Héliogravure ». Ainsi s’appelaient les travaux des inventeurs Nicéphore Niépce, Fox Talbot ou Charles Nègre avant de devenir ce que l’on nomme communément aujourd’hui « photographie » […] La prise de vue produit une image tridimensionnelle - film ou plaque de verre – qui n’existe à notre regard que traversée par la lumière. C’est cette troisième dimension, ce plus ou moins de matière sensibilisée, qui produit les nuances, C’est cette troisième dimension que l’on sacrifie en projetant l’image sur un papier sensible. C’est cette troisième dimension que l’héliogravure cultive et augmente en transformant la prise de vue en gravure. […]» L’héliogravure était bien connue des ateliers où travaillaient, par exemple, Rouault et Marcel Poncet mais n’était plus ouvertement utilisée dans les années 1970 qui ont vu éclater le marché de l’estampe.
L’arrivée à l’Atelier de Saint-Prex, en 1976, du photographe américain Jon Goodman - grâce à une bourse, il cherchait en Europe un atelier qui pût l’épauler dans le travail qu’il se proposait de faire sur les photographies de Edward Steichen - permit une mise en commun de leurs connaissances. Celle-ci aboutit à la préparation des cuivres et au tirage, pour les éditions Aperture à New York, de plusieurs albums, en héliogravure au grain, des travaux de photographes appartenant à l’Histoire. Cette collaboration s’est perpétuée durant de longues années. Jon Goodman poursuit son activité aux États-Unis.
Pietro Sarto est nommé membre de la Commission fédérale des beaux-arts, fonction qu’il reprend des mains de Jean Lecoultre et qu’il exercera de 1977 à 1985.
À l’initiative du peintre et graveur Gérard de Palézieux et de la famille Cuendet, la «Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex» voit le jour. Elle réunit les archives de l’Atelier aux estampes de Dürer et Rembrandt collectionnées depuis sa jeunesse par le pasteur William Cuendet qui vient de mourir. Cette Fondation et le choix d’un lieu pour son dépôt furent le levier qui décida l’Etat de Vaud à créer le Cabinet des estampes souhaité depuis longtemps par les graveurs.
Peinture et gravure continuent à aller de pair avec une activité de conférences et d’écrits dans lesquels il défend ce qui lui importe, comme, par exemple, lors d’une conférence prononcée au «Colloque H.E.C.», Lausanne 1995 qu’il intitule «De l’utilité et de l’inutilité de l’art». Il y cite L’Édit de SaintJean-de-Luz (1660) par lequel Louis XIV reconnaît à la gravure en taille-douce les qualités propres à l’Art. Sarto commente : L’intérêt de ce texte tient à plusieurs domaines. 1° On y trouve une définition de l’art qui le distingue de l’artisanat ; 2° l’art est défini comme une chose inutile à la vie quotidienne ; 3° (apparente contradiction) l’art est donné comme une chose d’importance pour l’État puisque l’on espère la venue d’étrangers pour l’exercer.
En 2002, dans un texte qu’il intitule «L’impressionnisme ou l’accès aux biens de ce monde» un souci analogue le conduit à écrire : D’abord quolibet, ce mot fit carrière pour signifier un mouvement important de l’art et surtout une nouvelle manière, non pas seulement de voir, mais surtout de montrer les choses de la vie. Est-il si important de connaître quand et qui a exécuté le premier tableau en plein air ? Pour ma part, ce ” commencement” n’existe pas vraiment. D’aucun avancent la marine de Delacroix peinte à Dieppe. En témoignent certains outils… D’autres encore pensent que la peinture en plein air a commencé avec l’invention des tubes en étain ! La belle affaire… La couleur, avant l’invention des tubes, était vendue dans des vessies, des boyaux gros comme des boutefas ou petits comme des chipolatas, longs ou courts sur demande. Des saucisses aussi pratiques que des tubes. […] Je reste persuadé que tous les peintres, orientaux ou occidentaux, ont toujours été attirés par la nature. […] Non, l’avènement de l’impressionnisme n’a pas comme moteur le tube et le chevalet pliable. […] C’est dans [le] bouleversement social que s’annonce l’impressionnisme. Il exprime [une] liberté conquise. Pliants et parasols suivront.
Il renoue avec le théâtre en réalisant, en 1980, le décor pour Peer Gynt d’Ibsen monté à Lausanne par Michel Grobéty dans une adaptation de Victor Haïm.
Nouvelle invitation à l’École d’architecture de Grenoble pour parler de Piranesi, perspective et architecture.
En 1981, Pietro Sarto et Edmond Quinche sont invités par le Cabinet des estampes de Genève à participer à un cycle de conférences données dans le cours de l’exposition Fantin-Latour, lithographies. En 1983, cette collaboration se poursuivra lors de l’exposition Corot et la gravure diaphane, exposition pour laquelle l’Atelier fera ses premiers essais de tirage de «cliché-verre» avec Pierre Tal Coat.
L’Association des amis du musée offre au Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne une toile de Pietro Sarto intitulée Paysage lémanique.
L’exposition Atelier de Saint-Prex au Strauhof, galerie de la ville de Zürich, donne lieu à un premier ouvrage recensant les activités de l’Atelier.
L’Atelier participe à la préparation de l’exposition La photographie en taille-douce, de Niépce à Stieglitz conçue, grâce à la participation chaleureuse du libraire et collectionneur André Jammes, par Florian Rodari alors conservateur du Musée de l’Elysée, Cabinet cantonal des estampes, à Lausanne.
Sarto participe à un séminaire consacré à l’image diaphane par le Musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur- Saône en 1983.
En 1986, la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex quitte le Musée de l’Elysée pour le Musée Jenisch à Vevey qui se prépare à abriter le Cabinet cantonal des estampes. Pendant la durée des travaux, Sarto participe à des conférences sur la gravure.
Il s’engage également dans les activités du Musée Alexis Forel à Morges et participe à la vie de la région par des chroniques régulières dans le Journal de Morges.
Il reçoit, en 1989, le Grand Prix de la Fondation vaudoise pour la promotion et la création artistique.
En 1990, il réalise deux grands panneaux muraux et une peinture pour le Conservatoire de Lausanne.
Il reçoit commande de la Confédération pour l’exécution de la pièce commémorative frappée à l’occasion du 125e anniversaire de la mort de Gottfried Keller.
À l’origine du projet conçu comme une suite aux deux expositions de 1974 et 1976 au Château de La Sarraz, Sarto participe à la préparation de l’exposition «Anatomie de la couleur», les origines de la gravure en couleur en collaboration avec Michel Duplain graveur, Florian Rodari, historien d’art, Maxime Préaud, Conservateur au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France et le médiéviste Michel Pastoureau auteur d’études sur la couleur. Cette exposition se tiendra à Paris, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, en 1996 puis à Lausanne au Musée Olympique, en 1997.
Pour cette exposition il grave, avec Michel Duplain, une copie de L’Ange anatomique, planche de J. Gautier-Dagoty faisant partie de l’ouvrage Myologie complète en couleur et grandeur nature, édité en 1746. Cette gravure en trichromie sera tirée en démonstration dans les deux lieux d’exposition.
Il reçoit, en 2000, le Prix de la Fondation pour l’art et la culture accompagné d’une exposition rétrospective de ses peintures à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne (présentée par Jacques Chessex).
Sarto et ses compagnons participent à la mise sur pied par la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex de l’exposition Graver la lumière, l’héliogravure d’Alfred Stieglitz à nos jours qui se tiendra durant l’hiver 2002-2003 au Cabinet cantonal des estampes, Musée Jenisch à Vevey.
Il participe à une exposition collective « Le regard de l’eau » organisée à Genève conjointement par la galerie Atrium et l’Office des Nations Unies à l’occasion de l’Année internationale de l’eau douce (2003). Dans le catalogue, il écrit à propos de l’œuvre de Hendrick Avercamp (Amsterdam 1585 - Kampen 1634) « Les petits patineurs » : Est-il un autre plan horizontal naturel solide que celui de l’eau glacée, la patinoire ?
Dans les tableaux d’Histoire ou de genre, la société est figurée sur des plans divers selon la hiérarchie. L’Olympe en haut, les serpents et les fourmis en bas. Entre les deux, les hommes et les héros.
En revanche, pas de marches ou de podiums pour se mettre en valeur sur la patinoire. Ce plan d’eau est rebelle à toute appropriation de classe. Grands et petits, riches ou pauvres, acrobates et maladroits, tous évoluent sur le même plan, aucun succès d’estrade possible (pour une fois !).
La nature même de l’eau, étale, pacifiée, s’impose ici comme un « socle démocratique ». Cette horizontale appartient à tous, nécessairement.
L’Association Films Plans-fixes réalise un document qui lui est consacré et dans lequel il est questionné par Freddy Buache.
Suite à une commande de la Chalcographie du Louvre, Pietro Sarto grave, avec Valentine Schopfer (peintre et graveur) et Michel Duplain, une copie d’interprétation de la peinture de Delacroix L’Homme au gilet vert. Cette gravure sera exposée avec une suite d’essais confrontés à la peinture originale, au Musée Eugène Delacroix à Paris en 2006.
Il monte, avec Katherine McCready, compagnon de longue date de l’Atelier et actuellement en charge de la conservation de la collection de la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex, et Florian Rodari, conservateur, l’exposition Temps forts présentée au cabinet cantonal des estampes, Musée Jenisch à Vevey en 2007. Cette exposition circule en Espagne jusqu’en 2012.
Pietro Sarto 60 ans de peinture, exposition rétrospective organisée par l’Association Les Amis de Pietro Sarto à l’Abbatiale et au Musée de Payerne durant l’été 2008. Pour marquer, s’il était nécessaire, l’importance de la gravure tout au long de son parcours de peintre, cette exposition est accompagnée par une presse taille-douce et une démonstration de tirage. Elle est aussi l’occasion d’éditer l’Atelier de Saint-Prex / Histoire d’une utopie (à suivre).
Parmi les activités impossibles à dater précisément, on peut citer les tentatives jusqu’ici inabouties de traduire quelques chants de la Divine Comédie de Dante et de retrouver le sens premier du Pinocchio de Collodi et d’entreprendre une étude sur la perspective dans l’œuvre de Poussin Il poursuit aussi une fréquentation assidue des peintures de Delacroix, de Soutine et de Courbet.
Pietro Sarto est un grand lecteur qui garde à son chevet le Journal et la Correspondance de Delacroix. Il est, par ailleurs, un admirateur absolu de l’œuvre de Victor Hugo au point de passer pour un hugolâtre.
Durant toutes ces années, Pietro Sarto ne cessera de faire visiter l’Atelier, de donner des conférences ou de participer à des événements qui lui permettent de faire connaître et de défendre son engagement tant dans la gravure que dans la peinture.
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